Quotidien

Cyril Hatt et Francis Ponge, les traces d’une filiation ?

Cyril Hatt nous livre depuis deux décennies une série autour du quotidien, que ce soit des objets ou des animaux : des instruments de musique (guitare, trompette…), jusqu’aux très triviaux canette de bière et cendrier, en passant par la girafe, les pigeons, l’éléphanteau. Quand il s’agit de produits de consommation, le travail de déconstruction/reconstruction généré par le prisme photographique de l’artiste et la déformation sculpturale via l’agrafage s’ancrent avant tout dans une dénonciation du consumérisme propre à cette contre-culture dont il se revendique.

Né à 1899 à Montpellier, non loin de là où vit et travaille désormais Hatt, Francis Ponge pourrait apparaître comme un précurseur de cette série. Ce poète à contre-courant et iconoclaste doit notamment son succès au recueil Le Parti pris des choses (1942). Sa quête de description authentique rappelle sans aucun doute l’obsession du plasticien de reproduire sa perception déformée au travers de son objectif. Ponge divinisait l’objet après lui avoir donné des traits parfois humains. Hatt rend hommage à des éléments anodins pour mieux souligner à quel point leur caractère jetable et interchangeable met en péril notre humanité : derrière chaque consommable, il y a un consommateur et la dépendance matérialiste finit par changer le rapport de force entre les deux données de l’équation.  Est-ce l’objet qui est utilisé par ce consommateur ? Où est-ce que ce dernier est consommé par son addiction pour l’Avoir ?

Ainsi, dans les écrits de Francis Ponge comme dans l’art de Cyril Hatt l’engagement se décline tel un pied-den-nez à la société de leur temps, entre poésie, facétie (l’appareil photo de Cyril Hatt qui devient lui-même objet de son travail), et humour.

Tony Kunter

Appareil photo - 4 tirages 10/15, adhésif, agrafes - 10 x 15 x 11 cm
Objets du quotidien
Animaux mis en scène